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Lucie et son coming in'

Dernière mise à jour : 10 févr.

Afin de préserver la vie privée de la personne dont il est question ici, toutes les informations permettant de l'identifier ont été modifiées. Le thème de ce témoignage a été traité dans Coming in de Carole Maurel et Elodie Font.


Il y a quelques années, un soir d'été, Lucie est venue consulter. Confortablement installée, elle me raconte ce qui l'amène. « Je crois que j'ai un problème avec mon homosexualité », me dit-elle. Lucie a découvert son orientation sexuelle par l’expérience. Tantôt des hommes, tantôt des femmes. Rapidement, elle se rendit compte que l’homme la laissait indifférente mais que la femme, elle, l’attirait.


Durant de nombreuses séances, elle me raconte l'histoire de son homosexualité avec ses aventures, ses déceptions, ses amours... Elle me raconte aussi ses peurs, notamment celle qui la paralysa lorsqu'une bande lui tomba dessus en pleine rue avec sa copine parce qu’elles avaient osé s’embrasser en public.



L’acte de « faire son coming out », quelle que soit sa forme, n’est pas anodin ; il est l'expression d'une liberté. Acte risqué ? Certainement, pour quiconque se soucis de sa survie en pleine rue ! Au-delà des rues, à l’intérieur des maisons et des familles, quoi de pire que de prendre le risque d’être jugée et exclue par ceux qu’on aime et qui nous aiment ? « Que c’est risqué d’être soi, d'être libre ! », me dit Lucie. Oui !


Lucie considéra longtemps son homosexualité comme un « défaut de conception » chez elle. « J’ai mis du temps à le dire à ma famille et à mes amis car j’avais peur d’être rejetée, d’être vue comme une “pestiférée“ ». Pourtant, à chaque fois qu’elle « fait son coming out », Lucie obtient très souvent des encouragements, des compliments. On la pousse à continuer à s’affirmer, à revendiquer. Mais, elle sent que quelque chose ne va pas. Le dire aux autres ne suffit pas à apaiser une tension à l'intérieur.


Lorsque je lui suggère l’idée que les hétérosexuels ne font pas leur « coming out », elle reste silencieuse. Dire ou ne pas dire ? A qui le dire ? Pourquoi le dire ? Pour qui ? « Quand je dis que je suis homosexuelle, les réactions autour de moi sont positives. Mais, elles sont en totalement en inadéquation avec ce que je ressens ; ça me fait du mal de le dire ». De le dire ou de se l’entendre dire ?

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« Je n’aime pas être homosexuelle. J’aurai préféré être hétérosexuelle ! C’est tellement injuste. » Cette phrase sonne l’ouverture du dernier acte de sa thérapie : celui d'accepter. Lucie s'aperçoit qu’elle n’aime pas son orientation sexuelle mais qu’en définitive, elle ne l’a pas choisie. Elle est arrêtée à la barrière de l’acceptation de soi. Malgré le soutien et les encouragements de ses proches, rien n’aurait jamais pu compenser le refus et le désamour qu’elle ressentait pour elle. D’ailleurs, ce désamour était à la hauteur de sa crainte d’être rejetée, crainte projetée de l’intérieur (in) vers l’extérieur (out).

« Coming out », traduction de « sortir de ». Sortir de quoi ? De l’ombre ? Oui mais de l’ombre de quoi ? Sortir d’où ? De soi ? Certainement pas. A trop considérer le « coming out » comme le seul moyen d’incarner son homosexualité, Lucie s’est oubliée elle-même. Elle aurait pu le dire à la Terre entière, cela n’aurait pas suffit et elle ne se serait pas acceptée pour autant.


Grâce à la psychothérapie, Lucie a bénéficié de l'acceptation inconditionnelle d’un autre qui n’a cessé de lui signifier le plus important : « Tiens, regarde, c’est toi ! Et c'est ok ! ». Elle s’est appropriée ce qu’elle a perçu, de l’extérieur (out) vers l’intérieur (in), de sorte à réussir ce qu’elle essayait de faire depuis tant d'années sans succès : son « coming in ».

Charlie Pelletier


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